Vincent Abadie Hafez (1977).
LA RIGUEUR ET LA LIBERTÉ — PAR HASSAN MASSOUDY
“Face à l’œuvre de Zepha nos yeux se promènent dans ses labyrinthes. Nous cherchons une lecture, une signification, pour finir par nous perdre dans le dédale de cette calligraphie universelle. Symphonie de lettres et de signes colorés, gestes dynamiques et expressifs rythmés par une harmonie de couleurs : koufi ou onciale, orient ou occident, alphabet inventé, calligraphie imaginaire. Mur entier ou toile à taille humaine, œuvre grande ou petite, il s’en dégage la même énergie créatrice. Du métal ou du bois de ses bas-reliefs à la découpe précise émane une force similaire, telle une envolée de flèches lancées afin de vaincre la gravité. Des centaines de gestes régis par un ordre intérieur, un souffle. Zepha donne une cohésion à tous ces mouvements dynamiques ou statiques. De loin devant un mur ou de près en face d’un tableau, il nous offre le même plaisir, plaisir de voir ces tourbillons pacifiques. Des lignes courbes côtoient des lignes droites, des diagonales, forêt d’écriture tantôt calme, tantôt fougueuse, doré ou argenté sur fond noir mat, bleu ou gris sur fond brillant. Les grands cercles d’écriture tournoient, nous rappelant la roue des norias sur l’Euphrate ou l’Oronte qui tourne et tourne inlassablement et fait frémir l’eau vibrante d’ombres et de lumière. Ces grands cercles composés de larges signes semblent des orbites, entourés d’un cortège de petites lettres en révolution perpétuelle dans le temps cosmique.
Avec un jeu de transparences et de superpositions, Zepha crée une profondeur. Des lettres s’enfoncent, s’éloignent ou flottent comme suspendues, d’autres se rapprochent. Sans aucun conflit, les gestes statiques offrent aux gestes dynamiques la liberté de s’émouvoir et de s’envoler. Les couleurs épaisses ou fluides permettent au pinceau d’exprimer la stabilité ou le mouvement. C’est ainsi que le geste juste devient juste un geste. Ombre et lumière. Un mouvement doit sa clarté aux couleurs dorées ou argentées, le clair éclaire le sombre, la matière colorée donne vie aux gestuelles rapides. Du sol au dernier étage d’un immeuble, sur son élévateur, sous la chaleur torride du soleil, dans le vent, la pluie ou le froid, pinceau à la main, Zepha attaque tendrement le mur. Les premiers signes deviennent référence et rythment tout ce qui suit. Ici ou là des lignes cachées structurent l’espace interne de la composition.
La morphologie de chaque geste participe à la création de traces animant toute la surface de l’oeuvre. Un vide non justifié, un espace manquant de justesse sont prétextes à combler par un signe ou un point rouge, et voilà l’équilibre restauré. Malgré la grande liberté de réalisation, le travail est maîtrisé et laisse peu de place au hasard. Zepha gère les déséquilibres créés par la multitude de lettres qui serpentent et sinuent. La rigueur et la liberté se complètent.
Cette lumière permet de voir la nudité du signe tracé : pas de correction ni de reprise, pas de remplissage, pas d’hésitation. L’œuvre imaginée se réalise. Pouvoir être rapide pour maîtriser la justesse de la lenteur et à l’inverse, pouvoir être très lent pour accomplir l’attaque rapide. Comme une flèche tirée, chaque lettre doit toucher son but, s’installer à sa place calmement ou rapidement. Les gestes peuvent être froids-lents ou chauds-rapides. Zepha est capable de stopper son mouvement quand le signe est arrivé à sa place exacte.
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La lettre comme fondement d’une abstraction universaliste
« Dans une chorégraphie à l’aisance virtuose, Vincent Abadie Hafez “Zepha”, compose une partition rituelle délivrant la lettre de son carcan sémiotique pour n’en conserver que l’essence d’une esthétique, la portée transculturelle d’un signe. L’entrelacs de caractères aux origines métissées structure une multiplicité de contrastes. Logique formelle et confusion des lignes, pragmatisme et gestuelle instinctive, le point d’ancrage s’incarne dans le mouvement et l’abstraction qui en émerge. L’ensemble déploie une rythmique concentrée, dynamisée par des espaces réguliers, des respirations silencieuses parfois même insoupçonnées, révélant une œuvre exigeante et impliquante. Le geste est technique, légataire de pratiques calligraphiques ancestrales et s’enrichit d’une contextualisation urbaine, contrastante et inattendue mais tellement essentielle pour l’artiste.
La ville, entité désormais rompue aux expérimentations artistiques plurielles, propose une mise en scène parfois monumentale à cette écriture du ressenti. L’effet d’échelle fait honneur à l’une des composantes fondatrices du processus créatif: la régularité du geste, la constance du caractère, converti en symboles picturaux à intervalle fixe. Ancrées dans un environnement de l’ordinaire, les fresques de Zepha tirent profit des ressources inhérentes à ce médium d’expression qu’il affectionne depuis ses débuts, grâce aux interactions spontanées qu’il provoque.
L’écrit conserve la trace, l’implantation urbaine en décuple la dimension éphémère. Ce paradoxe secondaire est exploité parallèlement à travers la création d’oeuvres « palimpsestes », nécessitant l’intervention du spectateur pour dévoiler la création de l’artiste, en éraflant une couche de latex apposée en surépaisseur. L’usure, la dégradation, les stigmates du temps infligés à l’œuvre, font dès lors écho à la pratique originelle de l’artiste, le graffiti, en procurant toutefois une réflexion implicite évoquant l’impact de l’homme sur l’espace et le temps et plus largement son rôle à jouer dans l’évolution des rapports interpersonnels dans nos sociétés contemporaines. Soumettant un dialogue authentique entre la conservation d’arts ancestraux (calligraphie traditionnelle, gravure à l’eau forte, marqueterie) mis en relief par une approche actuelle et populaire, sa démarche fait sens dans la diffusion d’un héritage trans-civilisationnel, terreau fertile à la construction d’un avenir où il est permis de rêver, d’avoir foi en l’Homme, en son aptitude à dépasser les clivages.
Artiste nomade, il trouve reconnaissance et respect auprès des fondateurs de la calligraphie urbaine et prend part à des rendez-vous incontournables de la scène artistique internationale.
L’imbrication des caractères arabes et latins écrivent les prémisses d’une histoire collective, d’un langage atemporel, d’une abstraction à intérioriser. Nos alphabets si disparates soient-ils, détiennent une portée fédératrice, transcendant les origines de chacun. Calligraphier pour unir, l’oeuvre de Zepha, est imprégnée de ses valeurs; comme une incantation à l’universel, un humanisme contemporain induit par le pouvoir du signe, fondement commun des civilisations, révélé par un art dépassant toutes frontières, toutes altérités. »
Caroline Ruggeri
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Exposition Personnelle – « HORS SOL » – Octobre 2019
Exposition Personnelle – « URBAN JEALOUSY » – Octobre 2017
Exposition en duo avec Carlos MARE – « CROSSINGS PATHS » – Décembre 2015
Exposition Personnelle – « INDIGO DUB » – Mai 2013
Exposition Personnelle – « INSIDE JOB » – Décembre 2012
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SOLO EXHIBITIONS
2022 | « ART HABITÉ 1 & 2 », Quai 36, Romainville (FR)
2019 | « HORS-SOL ». David Bloch Gallery. Marrakech (Maroc)
2017 | « CAPHARNAÜM ». Russo Yubero. Genève (Suisse)
2017 | « BACK TO THE WOOD ». Wallworks Gallery. Paris. (France)
2017 | « URBAN JEALOUSY ». David Bloch Gallery. Marrakech (Maroc)
2016 | « SUPERPLASTICIZER ». Mine Gallery. Dubai (EAU)
2015 | « KUNSTWOLLEN ». Galerie Jed Voras, Paris (France)
2015 | « CROSSING PATH, INTERSECTION OF MEMORIES », en collaboration avec Carlos Mare. David Bloch Gallery, Marrakech (Maroc)
2015 | « KUNSTWOLLEN ». Jed Voras Gallery. Paris (France)
2015 | « L’ETE ». 912 Arty Gallery. Lourmarin (France)
2014 | « CURSIVE MONUMENTALE ». Conseil Général de la Haute Garonne, Espace Roguet, Toulouse (FCE)
2013 | « ECRITURES SONORES ». Mazades Cultural Center. Toulouse (France)
2012 | « INDIGO DUB » David Bloch Gallery. Casablanca (Maroc)
2012 | Galerie Jagwa. Toulouse (France)
2011 | « INSIDE JOB ». David Bloch Gallery. Casablanca (Maroc)
2009 | « AU PIED DU MUR ». Mix Art Myrys. Toulouse. (France)
COLLECTIONS PUBLIQUES
MUCEM, Marseille (FR), collection permanente graffiti
IAMM Islamic Arts Museum, Kuala Lumpur (MY), collection permanente calligraphie contemporaine
Abdullah Al Salem Cultural Center, Salmiya (KW)
COLLECTIVE EXHIBITIONS
2024 | ‘Ode to freedom’, Kufa Gallery, Wynwood Miami (US)
2023 | ‘Metropolis’, avec Arthur Dorval, Russo Yubero, Genève (CH)
2022 | ‘The Versus Project 2’, Urban Nation project space, Berlin (DE)
2022 | ‘La langue arabe, un pont entre les civilisations’, UNESCO, Paris (FR)
2021 | ‘Imagetext’, Mirus Gallery, Denver (US)
2021 | ‘Écritures 23’, Manoir de Saint-Urchaut, Pont-Scorff (FR)
2021 | ‘Letters’, Urban Spree, Berlin (DE)
2021 | ‘The Versus Project’, Urban Nation project space, Berlin (DE)
2021 | ‘Layer cake – the Versus Project’, Urban Nation Museum, Berlin (DE)
2021 | ‘Velocity’, exposition virtuelle, Mirus gallery, San Francisco (US)
2021 | ‘La fuite en avant’, installation, Expo Mister freeze, Montauban (FR)
2021 | ‘Tag and throw up’, L’aérochrome, Blagnac (FR)
2019 | ‘Connexe’ avec L’Outsider, Hatchikian Gallery, Paris (FR)
2018 | ‘Papers & wood’, The French Art Dealeuses, Paris (FR)
2018 | Group Show . David Bloch Gallery, Marrakech (Maroc)
2018 | « GRAND OPENING ». Mirus Gallery. Denver (USA)
2018 | « ODD MARKS ». Pretty Portal Gallery. Düsseldorf (Germany)
2018 | « 3 DIRECTIONS ». Mono Gallery. Riyadh (UAE)
2018 | « NO FONT CODEX 2 ». Avant Garden Gallery. Milan (Italy)
2017 | « GRAPH’M ». Ghaya Gallery. Sidi Bou Saîd (Tunisie)
2017 | « URBANITES ». Gallery Naila. Riyadh (Arabie Saoudite)
2017 | Misk Art festival . Riyadh (Arabie Saoudite)
2016 | « SOULMATES ». Art Thema Gallery. Bruxelles (Belgique)
2016 | Fresque murale et exposition collective. Résidence d’artistes Jardin Orange, Shenzhen (Chine)
2016 | « THE DESIGN OF WORDS BY CALLIGRAPHY MASTERS ». Studio Acqua Su Marte, Milan (Italie)
2016 | Exposition collective. Biennale de calligraphie de Sharjah, Sharjah (EAU)
2016 | Château de Vaux le Vicomte, Galerie Jed Voras, Paris (France)
2016 | « IN SITU / HORS-LE(S)-MUR(S) ». Scarlett, Genève (France)
2015 | « POST GRAFFITII » Bô Design. Rabar (Maroc)
2015 | « MASTERSTROKES ». Cubes Art Gallery, Dubaï (EAU)
2015 | « CONCRETE ALPHABETS ». Graffuturism, 886 Geary Gallery, San Francisco (USA)
2015 | Third Urban Art Biennale ®, Usine sidérurgique de Völklingen – patrimoine mondial de l’UNESCO (GER)
2015 | « VISUAL UTTERANCE ». Cubes Art Gallery, Dubaï (EAU)
2014 | Résidence « ORNEMENTS ». Galerie Croix Baragnon, Toulouse (France)
2014 | Festival Big Up 974, St Denis (La Réunion)
2014 | « TRES CULTURAS ». Pavillon du Maroc, Séville (Espagne)
2014 | « A MAJOR MINORITY ». Graffuturism, 886 Geary Gallery, San Francisco (USA)
2014 | « ARTY SHOW » . 912 Arty Gallery . Aix en Provence ( France)
2013 | « SYMBIOSE DE DEUX MONDES ». Palais Namaskar. Marrakech (Maroc)
2013 | « HYPERGRAPHIA ». Gallery BC. Berlin (GER)
2013 | « ECRITURES SONORES ». Centre culturel des Mazades. Toulouse (France)
2012 | « WHITE WALL ». Beirut art center. Beyrouth (Liban)
2010 | « SUMMER GRAFFITI ». Rignac (France)
2010 | « ABSTRACT WRITING ». Galerie particulière. Nouméa. (Nouvelle Calédonie)
2009 | « CONCENTRE D’URBAIN ». Mix’’Art Myrys Toulouse (France)
2008 | « L’ART ET LA SCIENCE ». Labège (France)
2008 | « EFFET VERS SENS ». Galerie particuliere. Caramans. (France)
MURALS
2024 | ‘Au temps des origines’, Samar festival, Saracinesco (IT)
2024 | ‘Ode to freedom’, Wynwood, Miami (US)
2023 | ‘Après la philosophie, il faut l’action’, avec 2flui, parking Victor Hugo, Toulouse (FR)
2023 | ‘Évolution’, dans le cadre de ‘CAPITALE(S), 60 ans d’art urbain à Paris’, Art Azoï, Paris (FR)
2023 | BIAM#6, Collectif Renart, Lille (FR)
2022 | ‘Racines’, en duo avec Djamel Oulkadi, Racines festival, Bruxelles (BE)
2021 | ‘Sleeping soul’, fresque , Achères (FR)
2020 | ‘Les moulins du Don’, festival Caps attack, Cergy (FR)
2020 | 2020 | ‘Les moulins du Don’, festival Caps attack, Cergy (FR)
2019 | Collective mural. Powwow. Hawaï (USA)
2018 | « RETRACING MEMORY ». Gävle (Suède)
2018 | Collective mural. Amsterdam (Pays-Bas)
2018 | Mural – Fine Arts Center and Arabic Islamic Science Museum. (Koweit)
2018 | Mural – Maraya Art Center. Sharjah (UAE)
2016 | « MU’ALLAQAT ». Fresque murale. Dubai Streets Festival . Dubaï (EAU)
2016 | Mural and collective exhibition – Artist residency. Jardin Orange. Shenzhen (Chine)
2015 | « ROSA PARKS FAIT LE MUR ». Fresque murale collective. Rstyle. Paris (France)
2015 | Fresque murale et atelier. Institut Français d’Agadir (Maroc)
2015 | « NET.WORKS » Londres (Royaume-Uni)
2015 | « SI JE SUIS NE DE LA TERRE… » . Festival « Jidar – Toiles de rue ». Rabat (Maroc)
2015 | « INNER CIRCLE » Casablanca (Maroc)
2014 | Festival Big Up 974. Saint-Denis (France)
2014 | Festival Internacional de Arte Urbano. Saragosse (Espagne)
2014 | « VELORUTION ». Copenhagen (Danemark)
2014 | « THE REHLATNA – OUR JOURNEY » . Dubai (EAU)
2014 | « DJERBAHOOD PROJECT ». Djerba (Tunisie)
2014 | « JALOUSIE URBAINE ». Artazoi. Paris (France)
2014 | « ROSA DE LOS VIENTOS ». Tres Culturas Foundation. Tarifa (Espagne)
2014 | « CONVERSATION CALLIGRAPHIQUE ». Roissy Sur Seine (France)
2013 | « STREETS FESTIVAL ». Fresque murale 7m/14m (Tunisie)
2013 | « GRAFF ME ». Fresque murale 10m/15m. Beyrouth. (Liban)
2013 | « 99 NAMES ». Fresque murale. Katara Village Doha (Qatar)
2012 | Fresque murale / atelier. Contemporary Art Platform. (Koweït)
2012 | Fresque murale. FAKT Gallery. Bâle (Suisse)
2012 | « CAPITOLEUM PALIMPSESTE » Fresque murale . Toulouse (France)
2010 | « MI NOMBRE ES TODOS » Saragosse (Espagne)
ART FAIRS & BIENNALES
2018 | Sharjah Calligraphy Biennale. (UAE)
2018 |Sharjah Art Fair, repr. Hafez Gallery, Jeddah (Arabie Saoudite)
2017 | 13 District art fair, repr. Yosr Ben Ammar Gallery, Paris (France)
2017 | Sharjah art Fair. Hafez Gallery. Jeddah (Arabie Saoudite)
2017 | Urban Art Fair. David Bloch Gallery, New York (USA)
2015 | Urban art Biennale, Völklinger Hütte, Völklingen (Allemagne)